Andromeda sortit du château à grands pas. Une fois dehors elle s'arrêta, eut un sourire, et reprit tranquillement sa marche. La soirée semblait paisible et elle était contente de s'être échappée de la Salle Commune. Après avoir dîné, elle était remontée dans l'aile ouest pour y faire ses devoirs. Une fois ceux-ci terminés, beaucoup de première et deuxième année étaient déjà couchés. Les autres élèves bavardaient, travaillaient ou jouaient dans la Salle Commune. Celle-ci était donc bondée et du coup légèrement étouffante. Le couvre-feu des septième année lui permettant encore de se promener, la jeune femme avait décidé d'aller faire un tour dehors.

Maintenant qu'elle avançait sur l'herbe humide, elle ne regrettait pas son choix. Si on oubliait le froid, qui lui avait agrippé la gorge dès qu'elle avait franchit la porte, l'endroit était calme et tranquille. La brune se dirigea tout d'abord vers le lac mais changea d'avis au dernier moment, pensant à tous les amoureux qui s'y pressaient. Il faut dire que sous les derniers rayons du soleil, le lac resplendissait. Mais Andromeda n'avait pas envie de voir les niaiseries de l'amour en cette agréable soirée et elle partit donc en direction de la forêt interdite. Elle passa devant la cabane d'Hagrid et n'y vit pas de lumière. La sorcière le regretta ; le froid commençait à lui glacer les poumons et elle aurait volontiers profité de l'hospitalité de son ami. Continuant à avancer, elle longea la lisière de la forêt sans toutefois y entrer. Laissant le froid engourdir les pensées qui fourmillaient encore dans son esprit, elle n'arrêta pas sa marche jusqu'à ce qu'elle se rende compte que celle-ci l'avait mené droit dans la forêt. Hésitant à revenir sur ses pas ou à s'aventurer un peu plus entre les souches d'arbres, elle finit par avancer, confiante de ses nombreuses promenades en compagnie d'Hagrid (balades qui étaient censés être des punitions). Réfléchissant sur les fois où elle s'était ainsi faite collée, elle conclut que beaucoup datait de son histoire avec Lily. Plusieurs fois, elle s'était fait prendre alors qu'elle tentait de rejoindre la Gryffondor. Un léger sourire naquit sur ses lèvres à la pensée de la rousse mais il disparut bien vite. Leur histoire était finie, c'était d'ailleurs elle qui y avait mit un terme.

Quand enfin, elle fit taire ses pensées, la brune remarqua qu'elle s'était peut-être trop enfoncée dans la forêt. Elle regarda autour d'elle, essayant de se repérer mais il faisait maintenant beaucoup trop sombre pour qu'elle perçoive quoi que ce soit. Le soleil avait fini de se coucher ou alors ses derniers rayons n'atteignaient pas la partie de la forêt où elle s'était aventurée. La Serdaigle commença légèrement à paniquer. Il fallait l'admettre, elle était perdue. Perdue en pleine forêt interdite, là où Dumbledore répétait chaque année de ne pas s'aventurer. Elle décida d'arrêter d'avancer, sentant qu'elle empirait la situation à chaque pas. La brune tenta de trouver une solution. Marcher ? Oui, mais par où aller ? Rester là ? Elle tremblait déjà de froid et le fait de ne pas bouger empirait la sensation.

Le vent glacé se faufilait à travers ses vêtements et elle ne tarda pas à claquer des dents. Complètement frigorifiée et ne sachant toujours pas quoi faire pour sortir de là, elle se découragea. De toute façon, elle resterait plantée là et on la retrouverait d'ici quelques jours morte de froid, de soif ou de faim. Elle voyait déjà le titre dans les journaux « Tragédie pour la famille Black », ce qui serait bien menteur quand on savait que sa famille se sentirait plutôt débarrassée qu'autre chose. La brune voyait déjà sa mère et son père trinquer : « A la mort d'Andromeda ». La Serdaigle se demanda alors depuis combien de temps elle était devenue aussi ironique et depuis quand s'imaginait-elle ses parents en train de fêter sa mort ? Elle devenait folle ou simplement réaliste. C'est alors qu'une idée germa dans son esprit. Elle avait froid et elle devait faire savoir sa présence, la solution était simple : faire du feu. Cela la réchaufferait et la fumée ne tarderait pas à monter au dessus des arbres. Elle pouvait aussi cramer toute la forêt si elle loupait son coup. Elle fit taire la petite voix qui lui disait qu'elle créerait encore une catastrophe et se prépara à jeter le sort « Incendio ». C'est alors qu'un craquement se fit entendre non loin. Les pensées surréalistes d'Andromeda s'activèrent aussitôt et elle imagina une bête féroce qui viendrait bientôt la dévorer. « Manquerait plus que ça » pensa t-elle avec désespoir. Elle préférait encore mourir de froid que bouffée par un monstre. Quoique, la question demandait réflexion. Elle fit taire ses pensées, sortit sa baguette et se prépara à attaquer. Enfin, s'il s'agissait vraiment d'un monstre et non d'une pauvre souris. Les craquements se rapprochèrent et devinrent régulier comme une marche. Un ours ? Andromeda manqua de rire de sa propre bêtise mais la peur et le froid l'en empêchèrent.

Finalement, pour découvrir ce qui l'attendait, elle fit silencieusement apparaître son patronus. Elle dirigea le faon vers la source du bruit. Un instant éblouie par la lumière, bien qu'elle soit douce, elle découvrit une ombre humaine. Soulagée pendant quelques secondes, sa peur revint aussi vite qu'elle était partie. Et si c'était Lord-machin-truc ? Non mais que ferait-il à Poudlard, franchement ! Pourtant d'après la carrure, il s'agissait bien d'un homme. Andromeda choisit alors de se rapprocher et découvrit ainsi l'identité de l'inconnu. Sous le relâchement de la pression, elle faillit éclater de rire mais elle se retint. Elle allait très prochainement se faire enguirlander. Non seulement, elle s'était aventurée dans la forêt interdite mais en plus le couvre-feu devait maintenant être dépassé. Après, elle osait espérer que son professeur de Défence contre le forces du Mal ne lui en voudrait pas d'avoir braqué sa baguette sur lui. Ce n'était que l'application des cours. Peut-être même la féliciterait-il pour son patronus ? « C'est beau de rêver ! » pensa Andromeda avec un sourire. En vérité, elle s'attendait à des hurlements bien qu'elle ait rarement entendu son professeur crier mais rien ne vint. A la lueur de son patronus qui était toujours là, Andromeda put apercevoir qu'il la regardait d'un air inquisiteur. La jeune femme finit par dire :

- Je me promenais et sans m'en rendre compte, je suis...enfin pour faire court, je me suis perdue.

Elle regarda son professeur avec honte et manqua de baisser la tête. Puis elle lui adressa un regard , qui elle l'espérait, attendrirait le professeur. Quelques secondes après, elle stoppa immédiatement son manège. C'était Di Luca qu'elle avait en face d'elle. Certaines filles avaient du mal à retenir leurs hormones quand il s'agissait de lui et Andromeda ne voulait surtout pas qu'il la confonde avec l'une d'entre elles. Il manquerait plus qu'il croit qu'elle le drague pour qu'il l'abandonne ici en guise de punition.

Soudain, un violent frisson la prit. Le soulagement, mêlé à l'appréhension, lui avait fait oublier le froid mais elle grelottait maintenant à nouveau. Peu importe ce qu'il lui donnerait comme devoir supplémentaire, heures de colle ou punition, elle voulait seulement retrouver la chaleur du château. Qu'il se sente l'âme d'un sauveur s'il le voulait, mais il fallait qu'il la sorte de cette forêt. Elle devrait le remercier en plus, sans lui elle aurait été bonne à errer toute la nuit. Dire que demain la moitié des filles de son dortoir l'envierait, retenant seulement que le chevalier Di Luca est venu au secours de la pauvre guigne d'Andromeda. Malheureusement, elle, ne se souviendrait que du froid et de ses pensées plus que morbides. Elle se tourna vers son professeur, se demandant ce qu'il attendait pour réagir. Elle commençait à s'impatienter et la mauvaise humeur la gagnait. Elle n'oubliait pas que grâce à lui, elle serait bientôt au chaud mais elle commençait à avoir vraiment froid et la contraction de ses muscles devenait douloureuse. Qu'attendait sauveur Di Luca pour la sortir de là ?

L'univers tout entier était ocre. Et flou.
Les yeux embués par des larmes de douleur, Liam essayait de redonner un sens au monde qui l'entourait, aveuglé par un tourbillon de sable. Il tenta vainement de se redresser, prenant appuie sur une main dont la blessure lui arracha aussitôt un cri de surprise et de souffrance mêlées. Sembla lui arracher un cri, plutôt, puisqu'aucun son ne franchit ses lèvres. Du moins, ne le perçut-il pas. Ecrasé au sol, il réalisa brusquement que les alentours étaient anormalement silencieux. Il aurait dû percevoir des hurlements, des cavalcades, les hurlements des sirènes... Il n'entendait rien, les tympans endommagés par la déflagration. Peut-être à vie. Un frisson d'angoisse le secoua, lui faisant découvrir de nouvelles sources de douleur. Il était devenu sourd, n'avait rien fait pour mérité cela et il...

...se réveilla en sursaut. La gorge nouée par l'angoisse, Liam battit frénétiquement des paupières pendant plusieurs secondes avant de réaliser qu'il était dans sa nouvelle chambre, en sécurité. Repoussant ses couvertures, il se redressa et passa une main tremblante sur ses traits tirés. Depuis qu'il était arrivé à Poudlard, il n'avait pas pu passer une seule nuit paisible, revivant inlassablement divers évènements tragiques de son passé. A croire que le château avait décidé de le torturer jusqu'à ce qu'il se décida à quitter les lieux, ayant enfin saisi qu'il n'était pas le bienvenu. Mais il n'allait pas se laisser dicter sa conduite par une vieille bâtisse de pierres, aussi célèbre soit-elle.
Renonçant au sommeil, l'homme abandonna son lit, passa un t-shirt , des baskets qui traînaient et quitta ses appartements. A cette heure, il doutait de croiser âme qui vive et ne se sentait donc guère gêné de sortir en jogging, allant même jusqu'à saluer mentalement les siens, qu'une telle tenue aurait assurément offensés pour des décénnies. Il traversa donc le château, amusé de découvrir que nombres de tableaux parlaient dans leur sommeil, et se retrouva bientôt à marcher à l'air libre, son chemin seulement éclairé par les reflets lunaires. L'air était humide, certaines bourrasques de vent glaciales et il regretta rapidement de n'avoir pas songé à emporter un manteau mais ne trouva pas le courage de remonter dans ses quartiers. Il voulait à tout prix échapper à ses souvenirs, comme à ses cauchemars, et savait pertinemment qu'il serait tenter de se recoucher si jamais il regagnait sa chambre. Serrant les dents pour ne pas céder au froid, Liam se dirigea d'un pas résolu vers la Forêt Interdite.

Déjà lors de sa première visite, le directeur n'avait eu de cesse de lui vanter les merveilles qu'abritait cette forêt vieille de plusieurs siècles. De nombreuses espèces menacées partout ailleurs sur la planète y foisonnaient et la légende voulait même qu'un clan d'arachnées géantes y ait élu domicile, quelques années auparavant. Conscient que les lieux ne portaient un tel nom que pour dissuader de jeunes sorciers imprudents d'aller y faire des ballades champêtres, Liam s'était juré de la visiter dès qu'il en aurait l'occasion mais n'avait, jusque là, pas pris le temps d'accéder à son propre souhait. Il s'était laissé submerger par la routine scolaire, déjeunant avec les autres professeurs, assurant ses cours et rentrant pour corriger des copies, ne rompant cette monotonie que pour se rendre au village, boire quelques verres avec ses collègues. Ses cauchemars et insomnies répétés avaient au moins le mérite de l'avoir poussé à sortir, lui permettant ainsi de découvrir une infime part des sous-bois, bien qu'une visite nocturne ne soit pas à proprement parlé d'une grande prudence. Il se méfiait d'ailleurs des rencontres qu'il pouvait faire et avançait à pas lents, le regard fouillant avec autant de curiosité que de méfiance les alentours et la baguette à la main, prêt à la brandir à la moindre alerte. La guerre lui avait au moins appris discrétion, attention et rapidité.



Il marchait depuis quelques minutes à peine lorsque qu'il perçut une présence, un peu en avant de l'endroit où il se trouvait. Tous les sens en alerte, il raffermit sa prise autour de la baguette et avança de quelques pas pour mieux appréhender le danger. Ne percevant qu'une seule respiration, il se risqua à approcher un peu plus et allait découvrir l'être lorsqu'une branche craqua sous ses pas. Retenant un juron, il se tendit comme un arc, leva sa baguette et se prépara à lancer un sortilège de protection mais seul un patronus vint inspecter les environs, conjuré par une voix féminine qui ne semblait pas représenter une menace. Apaisé, il la laissa s'approcher et put bientôt reconnaître l'une de ses élèves de dernière année qu'il aurait probablement félicité pour la qualité de son sort si elle n'avait pas enfreint un nombre considérable de règles. Outre le couvre-feu et l'interdiction pour un élève de se promener dans la forêt, elle avait agit en toute imprudence en s'y rendant seule et en pleine nuit. Et même si Liam avait agit de même, ce n'était clairement pas une raison suffisante pour passer l'éponge. Mais il n'était pas de ces gens qui hurlent sans savoir et préféra attendre en silence que la jeune fille lui fournisse une explication. Il aurait toujours le temps de l'enguirlander plus tard.

- Je me promenais et sans m'en rendre compte, je suis...enfin pour faire court, je me suis perdue.

Liam arqua un sourcil, peu convaincu. Il lui paraissait peu probable qu'elle n'ait pas aperçu la forêt, d'autant qu'il fallait traverser une bonne partie du parc pour y accéder. En temps normal, il ne supportait pas que l'on se paie sa tête mais, devant la mine contrite de la demoiselle, il retint la remarque désagréable qui lui brûlait les lèvres. Elle paraissait réellement consciente de son erreur, allant même jusqu'à lui lancer un regard de chien battu... qui disparut aussi vite qu'il était apparu, remplacé par de furtifs coups d'oeil agacés. Le professeur ne chercha pas à trouver d'explications à un tel comportement, peu enclin à psychanalyser au milieu d'une forêt réputée imprévisible au beau milieu de la nuit.

- Admettons que vous ne soyez pas capable de discerner une forêt d'un parc mais cela ne change rien au fait que vous devriez être en train de dormir et non pas gambader ici. Encore moins en tenue légère.

Il posa un instant les yeux sur ses bras nus, considérant les frissons qu'elle tentait de réguler, avant de planter un regard sévère dans le sien.

- Si j'en crois les traditions, je devrais vous laisser ressortir de cette forêt par vos propres moyens afin que ma punition soit instructive. Néanmoins, je n'ai pas été éduqué pour laisser les demoiselles mourir de froid dans les sous-bois, alors vous allez me suivre. Nous aurons tout le temps d'évoquer les raisons de votre promenade nocturne sur le chemin du retour.

Sans plus lui accorder d'attention, Liam se détourna et reprit le chemin qu'il avait emprunté en arrivant.

Andromeda attendait avec une patience éreintée par le froid la sentence de son professeur. Elle le fixait, essayant de prévoir la dureté de celle-ci mais n'arrivait pas à savoir ce qu'il adviendrait de son cas. Di Luca finit par lui répondre au bout de quelques secondes :

- Admettons que vous ne soyez pas capable de discerner une forêt d'un parc mais cela ne change rien au fait que vous devriez être en train de dormir et non pas gambader ici. Encore moins en tenue légère.

La Serdaigle se retint de rire à la première remarque de son professeur. Au final ce n'était pas si amusant puisqu'elle passait une fois de plus pour une idiote mais le fait est qu'elle trouva ça drôle. Quant à sa remarque sur sa tenue légère, Andromeda jeta un coup d'œil à son tee-shirt et à son jean et dut admettre que celui-ci avait raison. Elle releva la tête vers son professeur et ce dernier enchaîna :

- Si j'en crois les traditions, je devrais vous laisser ressortir de cette forêt par vos propres moyens afin que ma punition soit instructive. Néanmoins, je n'ai pas été éduqué pour laisser les demoiselles mourir de froid dans les sous-bois, alors vous allez me suivre. Nous aurons tout le temps d'évoquer les raisons de votre promenade nocturne sur le chemin du retour.

Le cœur d'Andromeda rata un battement quand son professeur émit l'idée de l'abandonner dans la forêt mais elle fut rassurée par la suite de ses paroles -surtout qu'il ne faisait référence à aucune punition-. Elle le vit alors se détourner et partir en direction du château, du moins elle l'imaginait puisqu'elle n'avait aucune idée du chemin menant à ce dernier. Restant quelques secondes plantée sur place, elle finit par trottiner pour le rejoindre. Un fois à un mètre derrière lui, elle hésita à se placer à sa hauteur. C'est alors qu'elle remarqua la tenue de l'homme. Les yeux d'Andromeda fixèrent d'abord le t-shirt du professeur, affichant une moue mécontente. Il lui reprochait de s'habiller trop légèrement alors que lui-même ne s'était pas bien protégé contre le froid. Elle baissa ensuite les yeux sur le jogging et les baskets de celui-ci et eut un petit sourire narquois devant la tenue de son professeur. Ce dernier avait sans doute espéré ne croiser personne. Quoique, cela ne lui allait pas si mal, c'était juste...inhabituel ! Se décidant à le rattraper pour lui raconter « les raisons de sa promenade nocturne », elle accéléra ses pas et se positionna à ses côtés.

- En vérité, je sais faire la différence entre un parc et une forêt. J'y suis entrée de mon plein gré, je n'avais seulement pas prévu de m'y perdre. Quant à ma tenue, sans vous manquer de respect professeur, j'ai l'impression que vous n'aviez également pas pensé qu'il ferait aussi froid dehors. A la base j'étais sortie pour échapper à la chaleur de la Salle Commune, on peut dire que je la regrette à présent.

Elle n'ajouta rien trouvant qu'elle s'était assez expliquée. Son professeur n'avait pas à connaître sa vie dans les détails et cette dernière ne devait, de toute façon, guère l'intéresser. Par contre, la Serdaigle était curieuse de savoir ce qui avait amené son professeur à se balader si tardivement dans la forêt. Faisait-il des insomnies ? Était-il habitué à venir chaque soir ?

- Et vous, qu'êtes-vous venu chercher dans la forêt interdite ? demanda t-elle finalement en espérant qu'il ne trouve pas sa question indiscrète même si rien ne l'obligeait à répondre.

Ils avançaient à présent plus tranquillement, Andromeda s'accordant sur le rythme de Di Luca pour rester à sa hauteur. Le froid la faisait toujours frémir mais il était moins prenant maintenant qu'elle avait reprit la marche. La brune hésita à faire venir sa cape mais elle pensa qu'ils seraient bientôt sortis du sous-bois et qu'au moment où celle-ci arriverait, elle serait sûrement déjà parvenue à l'entrée du château.

Un mince sourire étira les lèvres du jeune professeur lorsqu'elle se mit à courir pour le rattraper. Comme ses collègues le lui avaient prédit, les élèves pris en faute dans la Forêt Interdite perdaient bien souvent la témérité qui les avait poussés à y pénétrer et le fait de les obliger à rentrer par leurs propres moyens était considéré comme la punition la plus dissuasive qui soit. Néanmoins, Liam répugnait à cette solution qu'il jugeait plus cruelle qu'instructive et qui ne devait pas vraiment contribuer à instaurer des relations de confiance avec les adolescents qu'il était supposé éduquer. Mieux valait sévir de manière traditionnelle, quitte à s'attirer les foudres de ses collègues.

- En vérité, je sais faire la différence entre un parc et une forêt.

L'homme ne put retenir un léger mouvement de surprise. Plongé dans ses pensées, il n'avait même pas remarqué que son élève l'avait rattrapé et c'était positionnée à sa hauteur, visiblement désireuse de s'expliquer, et il se maudit aussitôt pour son manque d'attention. S'il avait été en Erythrée, cette distraction aurait pu lui coûter la vie, il ne le savait que trop bien. Et, si l'on en croyait les rumeurs fièvreuses qui agitaient les sphères dirigeantes, la vigilance serait bientôt de mise au Royaume-Uni aussi, la guerre semblant de plus en plus proche. Cette pensée le fit frémir mais il se força à reporter son attention sur son élève pour ne plus y songer.

...sans vous manquer de respect professeur, j'ai l'impression que vous n'aviez également pas pensé qu'il ferait aussi froid dehors. A la base j'étais sortie pour échapper à la chaleur de la Salle Commune, on peut dire que je la regrette à présent.

Au moins n'avait-il pas loupé l'essentiel de son discours. Ni même sa pique, vaguement insolente, qui lui tira un nouveau sourire. Il aurait dû s'offusquer de son audace, lui rappeler qu'il était son professeur et, qu'à ce titre, elle se devait de garder ses réfléxions mais... C'était plus fort que lui, il la trouvait plus amusante que désagréable. Surtout, il se souvenait de l'horreur que lui inspirait les enseignants hautains et obsessionnels du respect. Il se trouvait trop jeune pour passer pour un vieux con aux yeux de "ses" gosses.

- Et vous, qu'êtes-vous venu chercher dans la forêt interdite ?

Cette fois, Liam laissa échapper un court rire, définitivement amusé par la candide insolence de la jeune fille. Elle faisait preuve d'une telle indiscrétion avec tant de naturel qu'il lui semblait impossible de croire à une tentative d'insubordination. On lui avait maintes fois répêtés qu'il fallait se méfier des Serdaigles et de leur intelligence mais il ne croyait pas aux préjugés et, après tout, les vils étaient chez Serpentard, n'est-ce pas ?


- Le moins qu'on puisse dire, c'est que vous n'avez pas la langue dans votre poche.

Il avait parlé d'un ton légèrement moqueur mais sans aucune méchanceté, appréciant simplement la spontanéité de la Serdaigle et se réjouissant déjà de ne pas avoir des élèves refusant tout contact avec les adultes qui les tyranisaient au quotidien.

Poursuivant son chemin, Liam n'ajouta rien. Il n'avait aucune envie de reparler de ses insomnies, ni même d'y repenser. Il frémissait d'ors et déjà à l'idée de devoir regagner ses appartements, ses souvenirs douloureux et la tentation de retomber dans ses vieux travers pour oublier, juste un instant. De courtes périodes de répit qu'il avait amèrement regretter par la suite mais qui, dans les moments les plus délicats, lui avait permis de ne pas céder à la folie. Combien étaient-ils à s'enfermer dans un monde différent ? Ou à devenir violents, enragés même, en guerre permanente contre l'ensemble de l'Humanité, désireux de se faire assister mais trop blessés pour l'accepter sereinement ? Lui, il avait trouvé un autre échappatoire, pas plus sain mais plus intime, plus simple à cacher. Du moins, tant qu'il demeurait seul, livré à ses démons et ne pouvant transférer sa rancoeur sur autrui.
Comme il sentait la peur et les cauchemars revenir, Liam tourna la tête vers la jeune fille qui marchait à ses côtés et reprit la parole :

- Pourquoi ce mépris du règlement, dites-moi ? Si vous aviez chaud, il suffisait d'ouvrir une fenêtre ou de vous dévêtir.

La remarque à peine lancée, il réalisa que le terme pouvait prêter à confusion. L'envie de parler toujours poliment lui avait souvent causé des ennuis, ses interlocuteurs se méprenant parfois sur les intentions qu'il mettait derrière certains mots. Les élèves étaient toujours prêts à s'emballer, à foncer tête baissée et si Andromeda avait l'esprit un brin mal tourné... Liam se moqua mentalement de lui-même. Quel imbécile faisait-il ! Il agissait exactement comme il craignait que la jeune fille le fasse, s'enflammant inutilement sur un mot qui, au final, ne prêtait en aucun cas à confusion. Il devait être sacrément perturber pour songer un seul instant qu'elle eusse l'idée de le taxer de dépravation, obsédé ou paranoïaque, il n'osait pas trancher.
Pour se donner une contenance, il ajouta :

- D'ailleurs, j'ignore qui je dois considérer comme une déliquante juvénile. Procédons dans les règles, voulez-vous ? Liam Di Luca, enchanté, à qui ai-je l'honneur ?

Un sourire ironique flottant au coin des lèvres mais mimant un air très solennel, l'enseignant s'arrêta pour tendre la main à la jeune fille.